PRESENTATION DE LA THERAPIE SOCIALE
L’approche de thérapie sociale
La Thérapie Sociale®, créée et pratiquée par Charles Rojzman depuis une vingtaine d’années, met en place un dispositif susceptible de transformer à la fois les individus et les institutions pour une amélioration du vivre ensemble et de la coopération. Elle s’apparente à la thérapie mais son objectif est clairement politique : il s’agit de changer les pratiques socio-institutionnelles pour réaliser une transformation profonde des manières de vivre, d’habiter et de travailler ensemble.
Une discipline nouvelle pour une société en mutation
Dans une société touchée par de nouvelles formes de souffrances et de violences, la Thérapie Sociale vise à rétablir la confiance et la communication entre des personnes et des groupes séparés par des méconnaissances, des peurs et des préjugés. Elle s’attache à créer des dispositifs susceptibles d’aider les conflits et les souffrances sociales à se dire, donc à se transformer, mais aussi à déclencher des changements institutionnels.
La méthode
La méthodologie pratique sur laquelle elle repose permet de comprendre et de surmonter les obstacles à la coopération, qu’ils soient d’origine personnelle, institutionnelle ou sociale. La thérapie sociale n’est pas une psychothérapie de groupe car son objectif n’est pas la guérison des individus mais la guérison des liens de coopération et de vivre ensemble entre les individus.
Elle est une “thérapie” parce qu’elle utilise des outils et des pratiques issus de la psychothérapie. Egalement parce que le thérapeute social reste un intervenant à part, bien plus proche du psychothérapeute que de l’animateur de groupe ou du médiateur. Il ne peut exercer qu’à la condition d’avoir lui-même travaillé sur ses peurs, sa violence, son impuissance et ses propres difficultés à vivre avec des autres. Sa posture au sein d’un groupe est celle du “guérisseur blessé”, car il est conscient de la présence en lui des peurs, des souffrances et des violences.
La méthode est aussi “sociale” dans la mesure où elle cherche à améliorer les modes du vivre ensemble et à aider les individus à transformer leurs institutions. Sociale, elle l’est également parce qu’elle prend en compte la souffrance issue de l’environnement. Les dysfonctionnements des institutions, le lieu de travail, la vie économique peuvent être des contextes aussi pathogènes que la famille. Il est donc nécessaire d’articuler le travail de développement personnel à l’action collective et politique.
Introduction du livre à paraître : Bien vivre avec les autres, aux éditions Larousse
La question de la sociabilité est plus que jamais à l’ordre du jour. Nos sociétés fragilisées par une crise multiforme voient monter les peurs et les haines et se développer une vie sociale qui prend parfois des formes tribales. Vivre ensemble et travailler ensemble : tels sont les défis du début de ce siècle qui voit les sociétés se désintégrer sous les coups de boutoir conjugués d’une globalisation sans lois, d’un individualisme sans repères et de communautarismes aux allures de guerres saintes. En résultent des malaises communs aujourd’hui à toutes les sociétés : dépressions, insécurités, violences…
Ces malaises nous rongent parce qu’ils pointent notre difficulté à vivre ensemble, dans les couples, les familles, les institutions, les entreprises et au-delà, comme en témoignent les guerres civiles et les conflits internationaux. Dans la vie quotidienne, combien d’individus tombent dans la dépression, le découragement et la haine de soi ou encore la xénophobie, le fanatisme et la recherche de boucs émissaires ? Combien, confrontés à un grand sentiment d’impuissance, se replient sur leur sphère privée : la recherche individualiste du bonheur remplace la solidarité et la fraternité humaines. Mais rapidement, tous se rendent compte que la violence, sous des formes les plus diverses, dans la famille ou la société, peut mettre en danger ces équilibres personnels difficilement obtenus.
Comment pouvons-nous mettre de côté cette évidence du lien entre l’individu et la vie en société ? Ces deux sphères d’existence constituent notre humanité, nous sommes faits ainsi. Nous pouvons aujourd’hui regretter ce décalage incroyable entre la créativité de l’être humain qui a su exploiter les ressources de la nature, inventer des merveilles architecturales, technologiques et artistiques et son impossibilité à vivre en harmonie avec les autres. Nous pouvons regretter ainsi tous ces phénomènes qui en témoignent : les nombreuses guerres qui ont émaillées l’histoire de l’humanité ces dernières décennies, les inégalités sociales, les drames et les folies collectives qui ont conduit à la mort de millions de personnes en tout endroit du monde. La réalité est à prendre en compte et nous la connaissons depuis bien longtemps : l’être humain n’est pas seulement un être de raison, il est aussi un être de passion. Et sa créativité peut aussi s’exprimer par les fantasmes les plus meurtriers générateurs des peurs et des haines qui conduisent à l’impossibilité de vivre ensemble en paix.
Nous sommes habitués à penser que certaines personnes sont psychiquement « malades ». Mais il faut accepter, depuis Freud, que la névrose fait partie de l’ordinaire de l’être humain. Nombre de personnes sont passées sur le divan d’un psy, mais en même temps on montre du doigt les massacres commis dans des pays lointains en parlant de folie humaine. Il faut pourtant faire le lien entre ces malaises individuels, moindres en apparence, et les folies collectives qui s’emparent de peuples entiers à certains moments de l’histoire. Ces malaises sont en interaction permanente. Parfois, le lien est fait entre les deux, mais nous en oublions trop souvent la dimension psychologique. Lorsque nous parlons de malaises collectifs, nous convoquons toujours des raisons économiques ou politiques, rarement des explications psychologiques. Lorsque nous parlons de malaises individuels, on trouvera des explications psychologiques ou encore économiques, mais trop souvent le facteur social et politique sera omis. Le lien entre l’individuel et le social me semble devoir être au travail en permanence et la thérapie sociale, telle que je l’ai conçue, il y a maintenant une vingtaine d’années, est une tentative de concilier la santé psychique des individus avec leur bien-être social, les deux me paraissant inséparables, en interaction constante l’une avec l’autre. La thérapie sociale part de ce postulat : la vie psychologique est intimement liée à la vie sociale et politique. Ce qui signifie d’abord que l’individu ne peut « guérir » sans interroger sa relation au monde, mais aussi que la transformation de la vie sociale et politique ne peut se faire sans une prise en compte de l’état psychique des membres de la communauté.
Depuis l’invention de la psychanalyse par Freud au début du XXè siècle, nombreuses ont été les tentatives de soigner les malaises humains par une forme ou l’autre de psychothérapie. Beaucoup de nos contemporains, conscients de leur fragilité psychique et de plus en plus privés du secours de la religion, au moins dans le monde occidental, vont chercher le soutien d’un psychothérapeute ou se tournent vers développement personnel. Moi-même, je suis passé par cette même quête. Mais, peu à peu, au travers d’expériences que je détaillerai dans ce livre, je me suis rendu compte de l’importance du lien social pour la santé psychique des individus. En effet, cette quête de réconfort, de bonheur ou simplement d’équilibre n’empêchent pas nos sociétés d’évoluer trop souvent de façon cruelle pour l’individu, blessant sa sensibilité, le conduisant parfois au désespoir ou l’amenant à se replier sur un groupe d’appartenance, fermant ainsi l’horizon de la solidarité et de la fraternité humaines.
La thérapie sociale est une tentative de relier développement de l’individu et développement social. Certes, elle est une forme de psychothérapie mais aussi une éducation à la vie démocratique et en ce sens un moyen de prévenir la violence ; elle constitue une réponse à un défi très actuel, la nécessité de vivre et de travailler ensemble.